GT 2 : Victor
Hugo : Préface du “Dernier jour d’un condamné” (extrait)
En 1828, Victor Hugo
est déjà connu pour des poèmes, mais n’est pas illustre.
Cette préface est un
plaidoyer indirect contre la peine de mort.
Le DJDC est un petit
roman à la première personne, qui a dès sa sortie un succès de scandale.
Lors d sa réédition, V.H. y rajoute une préface explicative.
C’est un modèle
d’argumentation polémique, comprenant deux parties :
- V.H. montre les horreurs de la peine de mort (il réfute les arguments
des tenants de la peine de mort)
- Il émet des propositions contre cette peine de mort.
Ce texte apparaît
comme un réquisitoire contre la pdm ; Victor Hugo prend la parole avec le
“nous” de modestie, pour interpeller les juges et tout ceux favorables à la
pdm.
I) Une réfutation
(argumentation) rigoureuse
1.1) La démarche de V.H. :
On dégage 3 parties :
De la ligne 1 à la ligne 9
De la ligne 10 à la ligne 18
De la ligne 19 à la fin.
a)
arguments pour la peine de mort, puis
b)
arguments contre la peine de mort.
Réfutation point par
point.
Pour
Contre
Partie I | Il
faut retrancher de la communauté un membre qui lui a nui. |
La
prison perpétuelle suffirait. |
Partie
II |
Idée
de vengeance, de châtiment, loi du Talion. |
Ce
n’est pas le rôle de la société. -> autre
conception de la peine. |
Partie
III |
Impressionner
la population pour qu’elle ne soit pas violente. |
Le
spectacle du châtiment démoralise (perte de tout sentiment). |
1.2) L’examen des arguments
3 arguments différents
contre la peine de mort sont présentés :
- La réclusion à perpétuité (argument peu développé) ;
d’ailleurs, plus tard, “Les misérables”. Valjean s’échappe du bagne de
Toulon.
- Victor Hugo dénonce la peine de mort comme inadéquate. Insistance sur
l’école,…
-Il nie avec vigueur l’exemplarité de la peine de mort. Elle ne peut
pas servir d’exemple, elle ne sert pas à empêcher d’autres crimes (idée
plus développée.)
II) Un discours polémique :
2.1) La mise en forme dialoguée :
a) Victor Hugo rend
son argumentation vivante en lui donnant la forme d’une discussion : il
interpelle ses adversaires en utilisant “vous”, puis prend ses distances en
employant “on” pour les désigner (“reprend-on”), tout en continuant
d’utiliser la deuxième personne à l’impératif ; mais au delà des
“criminalistes” (juristes spécialisés dans le droit criminel), ses
destinataires sont les lecteurs potentiellement séduits par la peine de mort.
Il leur répond, en son nom propre, en usant du “nous” de modestie (courant
dans un discours d’une certaine tenue). On observe de nombreux points
d’interrogation et d’exclamation qui soulignent la vivacité du débat
b) Mais ce dialogue
est largement faussé, car il sert surtout à mettre en valeur l’argumentation
de l’auteur qui réduit les arguments de ses adversaire à leur plus simple
expression et sous la forme de préceptes impersonnels (“il importe”, “il
faut”). De plus, il tourne en ridicule d’abord l’objection de l’évasion
possible, puis “la théorie de l’exemple” en rapprochant deux formules :
“faire des exemples” et “épouvanter”.
2.2) Le mélange des tons
a) L’ironie est
utilisée pour déprécier les arguments qu’il réfute, mais aussi les
magistrat qui les utilise (“Voilà bien à peu près textuellement la phrase
éternelle dont tous les réquisitoires des 500 parquets de France ne sont que
des variations sonores” : l’auteur suggère que la peine de mort est
requise par routine, dans des plaidoiries vides de sens à force d’être répétées).
La “chute” du dernier paragraphe, “faites donc des exemples, le mardi gras
vous rit au nez”, apparaît comme un pied de nez de l’auteur qui se moque de
l’exécution capitale comme les masques dont il parle.
c) La solennité
domine cependant cet extrait ; en effet, l’auteur a recours à des
maximes qui transmettent son message comme des vérités reconnues, ce qui a
plus de poids que l’expression d’une opinion personnelle : “Pas de
bourreau où le geôlier suffit”, “Se venger est de l’individu, punir est
de Dieu” ; cette dernière formule a les accents d’un nouveau
commandement qui s’oppose à celui du talion : “Œil pour œil, dent
pour dent.”. En outre, aux formules d’obligation impersonnelles et presque
vidées de leur sens (“Il faut”), V. Hugo répond par le verbe “devoir”,
comme si le devoir de justice qui fonde le droit, devait s’opposer à une loi
perverse qui ordonne la mise à mort. Dans l’ensemble du texte, le ton est
grave, impérieux, et, sous l’ironie, se fait sentir l’indignation.
Conclusion :
On insistera sur la qualité des arguments de V. Hugo issus à la fois de
Beccaria, homme des Lumières (1er et 3e arg), et du
courant progressiste chrétien (2e arg. développé) : cette même
ligne sera reprise par Jean Jaurès au début du XXe siècle. On soulignera également
l’efficacité de ce discours clair et convaincant dans lequel l’auteur part
en guerre contre la peine de mort.